J'ai la bouche close

Mon ange

Mots retenus

Tombés en hébétude

Plus rien ne passe mon mur du son

Hormis quelquefois encore

Quelques pierres dans la mare

Quelques miettes étouffées

De ce que j'ai noyé

Ton sourire est une admission

Sur tes lèvres, mon admonition

Pardonne toutes perversions

Punis-moi en contention

Je les abjure

Ce n'est pas cruel

Je ne me bats pas

Aucun duel

Simplement

Rends moi à tes larmes

Que je boive

Mon mea-culpa

Dans la coupe de ta bouche

Ce que tu n'attends pas

Cette image sans tain

Qui n'est que le reflet d'un moi blême

Tes bras qui sanglent

Sans attacher 

Tes mots qui cinglent

Cent mille versets

Tes yeux qui flinguent

Sang retourné

Et moi qui tremble

A prendre ou à laisser 

Photography Anna Bodnar 

On fait relâche ce soir

Je me rends à ton corps

Tu te pends à mon pouls

Et on s'endort.

Je ne me suis pas trompée de côté

Sur tous les bords, je n'envisage

Que le dorée du paysage

Rien ne me limite

Hormis les arrondis

Que ta peau trace 

En sous main

Je ne me suis pas trompée de bord

Mes à-côtés sont omnivores

Dans ces matins

Où tu as la bouche sèche

Où le creux de mes reins

S'efface de tes mains

Je passe de vagues de désirs

En larmes qui s'effondrent

Sans nos souffles

A bout de sources

Je crains tant

Ces apnées de tendresses

Ces baîllements de silences

Ces regards qui ne retiennent pas nos visages

Je n'en ai pas encore fini avec cette vie-là

J'ai encore du crédit

Sans credo

Mais écrit

Entre ma peau et les os

J'ai le cœur des idées

Voyez-vous

Qui me brandit

Comme lueur

Dans les petits matins blêmes

Si d'emblée, vous n'êtes pas assez

Très tôt, vous finirez de trop

J'aimerai pouvoir t'offrir

Une autre mise

Une autre vue

J'aimerai pouvoir te dire 

Que j'ai vécu

Que j'ai vaincu

Autre chose que les douleurs

De mes espoirs

J'aimerai être celle qui

Te propulse

Au-delà de tes désespoirs

J'aimerai tant te rendre

Ces césars

Que tes lèvres posent

Sur mes mondes 

Qui s'égarent

 Il y a quelque chose en plus

Caché sous nos peaux

Une affinité d'os

Qui nous maintient

Rassemblés sans être ensemble

Assemblée d'êtres pareils

Sans test vain

Il y a quelque chose

Dans l'odeur

Dans le goût

Une couleur de voies intérieures

Qui nous saoule

Qui fond nos sucs

En tronc commun

Putain

On t'a pourtant appris

A ne rien demander

A rentrer tes paumes vides

A fond de cals 

Sans sons de cloche

A ne rien obtenir

Ni tenir 

Dans tes mains menottées

Cousues au fil blanc

Et aux larmes d'épeire

Anna Bodnar Photography

Est-ce que je peux t'aimer

Dis?

Et le crier

Le répandre

Même si je dois

M'enfouir sous le tas

Me ramasser outre toi

Est-ce que je peux

Dis ?

Avec tous mes doigts

Ma peau

Ma croix

Brandir le passe-droit

Me jeter tout droit

Dans tes bras

Crédit photo : © R O D N E Y • S M I T H

Il y a tous ces mots

Tapis sous les lits d'angle

Des évidences

Qu'on n'hésite pas

A méprendre

Le dos tourné

Les lèvres exsangues

Il y a toutes ces années

Qui pensent

A la place de nos pouls

Sans mesurer l'urgence

Il y a toutes ces mesures

Qui nous gardent

Fous

Éperdus

Et

Perdus

J'écris des facilités

Sous chapeau d'entre vues

Des gracilités

De peaux tendues entre deux nues

J'écris ce qui me tend

vibre et me bascule

Le nom qui scande

Ma vie outre-mesure

Quand on aime lentement 

On s'écrit au ralenti

On s’étend comme une ligne

On incrémente les signes

On hurle sous les vents

Même si cela s'entend

En échos, en fragments

On s'écoule goulûment

Je tiens ta main la nuit

Parfois ton corps aussi

Quand mon sommeil s'enfuit

Je ne pose rien d'autre

Qu'un effleurement sur nos peaux

C'est éphémère et chaud

Je me repose ici

Lorsque je ne dors pas

 Il n'y a plus rien qui compte

Le plus est encore de trop

Et ce rien n'est qu'atours

Il n'y a que toi

oui

Et nos ombres cachées

Que toi

Et mes mains attachées

Il y aura nos rages

et les pluies qui se battent

Il y aura nos âges

Et  ce qu'on détruit au passage

Le trop bien pensé

Parce qu'il est mal pesé

Ce que l'on tient enfermé

Même bien mal aimé

Pour être plus lourd

Question de gravité

Pendant que le vent

Continuera de souffler

Sur nos lèvres

Sa dissolution  éthérée

Et sa légèreté

Pour s'enfuir

On a nos voluptés

Un lieu où sentir

Est sapience de fumée

On a nos sentiers

Où il n'y a guère

Ni guerre

Sur cette île de beauté

Qui se touche

En peaux et en bouches

Je vais m'allonger

Et je ne vais pas pleurer

Même si j'augmente la tension

Que mes mains serrent 

Ce qui m’éviscère

Au-delà d'un sommeil monocorde

Je vais le plonger

Dans les songes

De ton être carnassier

De ton hôte essoufflé

Parce que nos corps

Ne sont que messagers

Parce que nos vies

Ne sont qu'embarquées

Et que ta voix

Reste ma faim en toi

Si je suis en passe

Si je m'épelle en souffle de sons

Qui ne sortent pas

Si mes cris sont réduits ici

En bas de tes reins

Aux onomatopées

Quand rien ne t'ouvre

Et tout m'enferme

J'attends encore

Sans le savoir

Incognito cogito

Dans le noir

Vide et sidéral

Pendant que tu dors

Moi je meurs

Une fois encore

Est-ce la rareté qui fait la valeur ?

Est-ce que les peurs

En font les ratés ?

Est-ce que l'objet

Ne peut s'associer

Rester un instant

Immobile dans son fluide ?

Est-ce que l'attente donne le prix du bonheur?

Est-ce qu'être sage

C'est taire les silences en images

Et prendre corps en dedans

Malgré les trous

Malgré le flou

Touchées par le vent

Nos bouches s’essoufflent dans l’air

Solaire et brûlant.

Je sais pisser dans les violons

Dans les instruments qui cordent

Qui ventent

Qui nous laissent à portée

Nos voix pour ne rien dire

Je sais m'amuser à faire des pis-allers

Des tours

Rendre en contours

Même sans verlan

Le décor

Toi et nos corps

Exposés sans un vers

Pour les clore

Hier

Je suis allée voir

Sous les draps

Derrière ses lèvres

J'ai tendu le bras

Pour écouter ses rêves

Aujourd'hui

J'étreins les miens

Mes désirs en air

De rien qui passent

Sont noués en croix

Point de repères

Hier

J'étais en arrière

Aujourd'hui

Je puise en lui

Illustration : © J U L I E • D E • W A R O Q U I E R 

Avec toi

Je mange des carottes

Je suis chope

Suée lycanthrope

Je redeviens salope

J'en suce le goût sur mes doigts

Et j'aime ça

Avec toi, 

Je me prends un rab

De temps

Sans le quand

Avec pour présent

Le hic et nunc

Avec toi

J'ai l'espoir qui tient sans fils

Je bouffe mes racines  

Je m'enivre à la santé

De mes autres parjures

Et de dieu

Je ne jure que par terre

Toutes lettres

En l'air

Illustration : © N I C H O L A S • J A V E D

Il fallait trancher

S'écorcher la langue

Sur ces tombes de silence

Il a fallu se nuire

Et puis s'en aller devenir

Sans aucun droit de citer

Une phase où se déposer

Il me fallait détruire

Ma main posée sur ta joue

Il m'a fallu l'écrire

Pour repartir debout

Crédit photo : © R U S L A N • I S I N E V

Je n'oublie pas

Je n'oublie rien

Pas de faux sur nos ébats

Eux ils persistent

Ma douleur et ton plaisir

Les signent dans mon livre

Je me débats d'idées

Plus ou moins délitées

Dans l'orage de tes yeux

Je me livre

Sans atours

Je me dépose à tes pieds

Liée à tes mains

Atout ou rien

Art : Peter Mandl

J'ai oscillé toute la journée

La tête en vogue d'espace

L'âme en vague de ressac

J'ai ressassé tes mots

En comptant tes doigts sur ma peau

Il n'y a pas deux poids

De moi à toi

Ni de demi-mesure

Ni d’outrageusement

Je t'assure

Même lorsque nos corps ne suivent plus

Crédit photo : © R U D O L F • B O N V I E

Enfant de putain

C'est mieux que rien

Le genre de bien

Mauvais

Ouais

Même si tu le monnayes

En sommeil

L'oubli des gueux

Derrière tes cils

Mouais

Même si tu regardes à l'envers

Histoire de délier

L'atmosphère

Mais oui

Il faut que tes mots rendent

En œillades appuyées

Cet aspect aguicheur

Ce mouvement de hanches

Qui égrène ses notes étranges

Il y a quelque chose qui reste de ta peau

Quelque chose qui ne s'en va pas

C'est un chagrin qui ne rétrécit pas

A chaque fois que toi tu n'es pas

Je rentre en dissonance

Le monde alentour

N'a plus d'importance

Les cordes recommencent à me pendre

Je me suspends aux vides

Et aux espoirs

Et j'attends

J'attends

Que tu sois

Que tu me donnes

Le la